La psychologie de l' enfant
 1  PRĂSENTATION
Psychologie de l'enfant, étude de lâenfant comme ĂȘtre spĂ©cifique, de la
naissance Ă
lâadolescence, portant notamment sur ses caractĂ©ristiques physiologiques et
affectives, ainsi que sur ses facultés cognitives, linguistiques et perceptives.
La psychologie de lâenfant sâattache Ă comprendre lâĂ©volution et les modes dâexpression des diverses composantes de la vie intellectuelle, affective et sociale de lâenfant. Par lâobservation et la mĂ©thode expĂ©rimentale, elle cherche Ă dĂ©terminer dans quelle mesure les variables environnementales (comme les attitudes des parents) et biologiques (comme les structures cĂ©rĂ©brales et la maturation physiologique) se combinent pour influencer le comportement. Lâune des principales interrogations au cĆur de la recherche porte sur les interrelations entre les diffĂ©rentes modifications comportementales et intellectuelles.
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HISTORIQUE |
Platon comme Aristote ont traitĂ© des questions relatives Ă lâenfance. Pour Platon, les enfants sont dotĂ©s Ă la naissance de certains talents, que leur Ă©ducation doit chercher Ă dĂ©velopper. Aristote a proposĂ© Ă son tour des mĂ©thodes dâĂ©tude du comportement des enfants. Par la suite, et jusquâĂ une pĂ©riode rĂ©cente, les enfants restent perçus comme des adultes en miniature, peu dignes dâattention en tant quâindividus. Au xviiie siĂšcle, le philosophe français Jean-Jacques Rousseau semble faire Ă©cho Ă Platon en affirmant que lâĂ©ducation doit ĂȘtre la moins contraignante possible.Â
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2.1 |
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LâĂ©tude scientifique |
Au xixe siĂšcle, la thĂ©orie de lâĂ©volution de Charles Darwin stimule lâĂ©tude scientifique du dĂ©veloppement de lâenfant. Lâobservation du comportement de survie de diffĂ©rentes espĂšces animales favorise les recherches sur les moyens dâadaptation au rĂ©el des enfants ainsi que sur la transmission, innĂ©e ou acquise, des comportements humains.
LâĂ©tude du dĂ©veloppement de lâenfant prend son essor au dĂ©but du xxe siĂšcle. Elle doit beaucoup au test dâintelligence Ă©laborĂ© en 1905 par le psychologue Alfred Binet et son collaborateur ThĂ©odore Simon dans le but dâĂ©valuer les retards de dĂ©veloppement dâenfants susceptibles de nĂ©cessiter un enseignement spĂ©cial. Le test Binet-Simon, qui repose sur des Ă©preuves de comparaison de boĂźtes de poids diffĂ©rent, de copie de figure gĂ©omĂ©trique, etc., permet de calculer un quotient intellectuel, qui sera par la suite autant utilisĂ© que dĂ©criĂ©.
Dans les annĂ©es 1920, le psychologue amĂ©ricain Arnold Gesell crĂ©e Ă lâuniversitĂ© Yale un institut de recherche entiĂšrement consacrĂ© Ă lâĂ©tude des enfants. Il dĂ©veloppe une nouvelle technique dâanalyse de comportement des enfants en Ă©tudiant des films image par image. Gesell fait Ă©galement un large usage de la mĂ©thode dâĂ©tude transversale, qui consiste Ă observer les mĂȘmes enfants Ă diffĂ©rents Ăąges.Â
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2.2 |
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Ătudes de lâenvironnement |
Alors que les travaux dâobservation se dĂ©veloppent, dâautres chercheurs sâintĂ©ressent au rĂŽle de lâenvironnement dans le comportement et le dĂ©veloppement de lâenfant. Dans les premiĂšres annĂ©es du xxe siĂšcle, Sigmund Freud propose le modĂšle du dĂ©veloppement libidinal de lâenfant, marquĂ© par plusieurs stades et reposant sur la triangulation pĂšre-mĂšre-enfant.
Ă la suite des travaux de John B. Watson, dans les annĂ©es 1920, les bĂ©havioristes insistent sur la notion dâenvironnement. Selon leur hypothĂšse, lâesprit dâun nouveau-nĂ© est une feuille vierge, ou tabula rasa, et tous les comportements sont dĂ©terminĂ©s par des stimulations issues de lâenvironnement (Ă©ducation, milieu social, environnement physique, etc.), qui sont Ă lâorigine des diffĂ©rences entre les enfants.
Ă la mĂȘme époque, dâautres chercheurs insistent sur le rĂŽle de lâenvironnement social, mais sans nĂ©gliger lâimportance des facteurs biologiques et mentaux. Pour Henri Wallon, le milieu social influence le dĂ©veloppement de lâenfant, et lui permet de dĂ©passer son immaturitĂ© biologique grĂące aux Ă©changes avec lâentourage. Le psychologue russe Lev Vygotski (1896-1934) considĂšre que lâenfant Ă©volue en sâappropriant le langage, dont le sens est fixĂ© et apportĂ© par le milieu social. Dâautres recherches plus rĂ©centes confirment que lâenvironnement social et culturel est indispensable Ă lâĂ©volution et lâautonomie de lâenfant.Â
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LES THĂORIES HISTORIQUES DU DĂVELOPPEMENT |
Les thĂ©ories du dĂ©veloppement les plus influentes sont celle de Sigmund Freud, psychanalytique et centrĂ©e sur lâĂ©volution de la personnalitĂ©, et celle du psychologue Jean Piaget, axĂ©e sur les stades de dĂ©veloppement cognitif.
La thĂ©orie de Freud pose comme principe que la satisfaction des pulsions dans le cadre social est un Ă©lĂ©ment nĂ©cessaire au dĂ©veloppement de la personnalitĂ©. Les objets physiques de la libido, câest-Ă -dire lâĂ©nergie sexuelle, Ă©voluent avec lâĂąge et les pĂ©riodes relatives Ă chacun de ces objets forment des stades. Les enfants passent par quatre stades (oral, anal, phallique et gĂ©nital), jusquâĂ leur sexualitĂ© dâadulte. La thĂ©orie de Freud intĂšgre les donnĂ©es environnementales et biologiques.
Pour Jean Piaget, les hommes sont tous des apprenants actifs dĂšs leur naissance. Il Ă©tablit quatre phases du dĂ©veloppement : leur succession est constante, mais leur chronologie peut ĂȘtre variable dâun enfant Ă lâautre. Chacun des stades se caractĂ©rise par une structure dâensemble, et la structure dâun stade devient partie intĂ©grante du suivant. Le premier stade, dit dâ« intelligence sensori-motrice » (de la naissance Ă la fin de la deuxiĂšme annĂ©e), voit lâenfant passer de mouvements rĂ©flexes dĂ©sordonnĂ©s Ă un comportement qui montre lâintĂ©riorisation et la combinaison des schĂšmes, câest-Ă -dire des mouvements, des rĂ©flexes et des perceptions, associĂ©s et coordonnĂ©s. Le deuxiĂšme stade, celui de la « pensĂ©e prĂ©opĂ©ratoire », intervient entre deux ans et sept ans ; elle recourt de plus en plus Ă des symboles abstraits. Le troisiĂšme stade, celui de la « pensĂ©e opĂ©rationnelle concrĂšte », entre sept ans et onze ans, marque lâapparition de la fonction sĂ©miotique et met en jeu des comportements Ă©voluĂ©s de rĂ©solution de problĂšmes ; il se termine par lâapparition des opĂ©rations complexes mettant en jeu espace et temps. Le quatriĂšme stade commence vers douze ans ; lâenfant acquiert alors une « pensĂ©e opĂ©rationnelle formelle » qui lui permet de dĂ©velopper des hypothĂšses et de dĂ©duire de nouveaux concepts. Â
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LE DĂVELOPPEMENT DE LâENFANT |
Les diffĂ©rents aspects du dĂ©veloppement affectif et intellectuel de lâenfant sont analysĂ©s par les psychologues en tenant compte des phĂ©nomĂšnes liĂ©s Ă la croissance physique et aux modifications Ă©motionnelles, psychologiques et sociales qui les accompagnent.Â
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4.1 |
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LâhĂ©rĂ©ditĂ© et lâenvironnement |
On sâaccorde à  penser que les modĂšles du dĂ©veloppement de lâenfant sont dĂ©terminĂ©s par lâaction conjointe et rĂ©ciproque de la gĂ©nĂ©tique et de lâenvironnement, bien que les recherches ne permettent pas de dĂ©finir le rĂŽle exact du patrimoine gĂ©nĂ©tique. Lâinvestigation dans ce domaine porte sur des vrais jumeaux (ou homozygotes), Ă©levĂ©s sĂ©parĂ©ment. Leurs comportements sont comparĂ©s en termes de ressemblances et de diffĂ©rences, ces rĂ©sultats Ă©tant alors mis en parallĂšle avec ceux des jumeaux Ă©levĂ©s ensemble. Cependant, les conclusions de ces Ă©tudes nâont pas Ă©tĂ© validĂ©es. Entre les annĂ©es 1960 et 1980, le psychologue français RenĂ© Zazzo analyse le paradoxe des vrais jumeaux Ă©levĂ©s ensemble, quâil rĂ©sume dâune formule restĂ©e cĂ©lĂšbre : « MĂȘme hĂ©rĂ©ditĂ©, mĂȘme milieu, et pourtant deux ĂȘtres diffĂ©rents. » Â
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4.2 |
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Le langage |
La capacité à  communiquer et Ă comprendre un langage se dĂ©veloppe tout au long de lâenfance. La vitesse dâacquisition du langage est spectaculaire : le premier mot est Ă©mis vers douze mois ; la plupart des enfants disposent Ă deux ans dâun vocabulaire de 200 Ă 300 mots, qui passent Ă 2 600 mots Ă lâĂąge de six ans. Les enfants de trois ans forment des phrases correctes et, Ă lâĂąge de cinq ans, ils commencent Ă utiliser des constructions trĂšs Ă©laborĂ©es. AprĂšs cinq ans, ils continuent dâacquĂ©rir une grammaire complexe et apprennent au cours de leur scolaritĂ© les rĂšgles qui rĂ©gissent lâorthographe et la conjugaison. Au-delĂ de ces rĂ©sultats aujourdâhui bien connus, les recherches rĂ©centes (surtout depuis les annĂ©es 1990) montrent que le dĂ©veloppement du langage ne commence pas avec lâapparition des premiers mots. DĂšs le sixiĂšme mois de la vie intra-utĂ©rine, le fĆtus consacre un temps considĂ©rable Ă se familiariser avec les sonoritĂ©s de sa langue maternelle et la voix de sa mĂšre. Des Ă©tudes sâintĂ©ressent Ă©galement aujourdâhui au rĂŽle du babillage dans lâadaptation du systĂšme articulatoire de lâenfant aux particularitĂ©s de sa langue.
La seule thĂ©orie de lâapprentissage ne paraĂźt cependant pas suffisante pour expliquer le phĂ©nomĂšne de lâacquisition du langage. La question de son caractĂšre innĂ© est longtemps restĂ©e centrale dans les dĂ©bats sur le dĂ©veloppement du langage. Si, dans les annĂ©es 1960, le linguiste amĂ©ricain Noam Chomsky soutenait lâhypothĂšse que le cerveau humain serait conçu spĂ©cialement pour acquĂ©rir et reproduire le langage, depuis les annĂ©es 1980, la communautĂ© scientifique sâaccorde pour reconnaĂźtre que nature et Ă©ducation sont toutes deux impliquĂ©es. Leur poids respectif reste discutĂ©, des psychologues comme Jerome Bruner accordant la primautĂ© aux interactions sociales, les psychologues cognitivistes aux mĂ©canismes gĂ©nĂ©raux dâapprentissage, et dâautres poursuivant les travaux initiĂ©s par Chomsky sur lâimportance des dimensions innĂ©es. Â
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4.3 |
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Formation de la personnalité |
Les thĂ©ories de la personnalitĂ© visent Ă dĂ©crire le comportement des individus qui sâadaptent Ă leurs besoins physiques et psychologiques et qui vivent un conflit personnel en cas dâĂ©chec. La formation de la personnalitĂ© est ainsi dĂ©finie comme le processus par lequel lâenfant apprend Ă faire face aux difficultĂ©s internes ou externes. En cas de conflit Ă©crasant, le recours Ă un mĂ©canisme de dĂ©fense constitue une rĂ©ponse normale ; par exemple, la rationalisation consiste Ă nier quâon ait eu tel ou tel objectif, alors quâon se lâĂ©tait bel et bien fixĂ©.Â
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4.4 |
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Lâintelligence et lâapprentissage |
On peut dĂ©finir lâintelligence comme la capacitĂ© dâun individu Ă manipuler efficacement des concepts et Ă utiliser ses processus de pensĂ©e. Cette dĂ©finition sous-tend les questions des tests dâintelligence destinĂ©s aux enfants. Deux tests cĂ©lĂšbres sont utilisĂ©s pour classer la progression mentale de lâenfant et pour estimer ses capacitĂ©s dâapprenant : le test Binet-Simon et lâĂ©chelle dâintelligence de Wechsler. La rĂ©ussite scolaire est liĂ©e aux facultĂ©s de raisonnement verbal, ce qui semble valider le contenu des tests. Les prĂ©visions fondĂ©es sur les tests demeurent cependant imparfaites : les tests dâintelligence ne mesurent pas la motivation.
Howard Gardner, dans les annĂ©es 1980, sâintĂ©resse Ă la crĂ©ativitĂ©, notamment au dessin, qui permet Ă lâenfant avant cinq ans dâexprimer ses sentiments et ses pensĂ©es. Il considĂšre Ă©galement que sept types dâintelligence existent dĂšs la naissance et se dĂ©veloppent diffĂ©remment selon lâenvironnement et lâĂ©ducation propres Ă chaque enfant : intelligences logico-mathĂ©matique, musicale, interpersonnelle, langagiĂšre, etc. Depuis les annĂ©es 1990, les chercheurs parlent moins dâintelligence que de fonctions cognitives, telles que le langage et la mĂ©moire. Ils insistent sur le rĂŽle fondamental, dans le dĂ©veloppement, de la mĂ©moire de travail, qui traite les opĂ©rations mentales complexes comme la planification dâune action ou les calculs. De plus, la succession des stades piagĂ©tiens est remise en question, au profit dâune progression graduelle de lâintelligence. Â
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4.5 |
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Relations sociales |
Les relations sociales entre les jeunes enfants sâorganisent dâabord autour dâun intĂ©rĂȘt mutuel. Puis, avant lâentrĂ©e Ă lâĂ©cole, les relations entre les enfants de mĂȘme Ăąge et de statut identique â le groupe de pairs â se transforment peu Ă peu en un systĂšme social complexe qui imprĂšgne leurs valeurs et leur comportement. La transition vers le monde social adulte passe par une nouvelle organisation du groupe de pairs : apparition dâun leader, diversification des membres avec leurs forces et leurs faiblesses. La conformitĂ© au groupe de pairs culmine vers douze ans ; elle ne disparaĂźt plus par la suite, bien quâelle soit moins discernable dans le monde des adultes.
Avec lâĂąge, la composition des groupes de pairs se modifie. Les groupes dâenfants et de prĂ©adolescents sont plutĂŽt homogĂšnes : leurs membres sont gĂ©nĂ©ralement du mĂȘme sexe et proviennent de la mĂȘme origine, gĂ©ographique (lâĂ©cole, le quartier) et socio-Ă©conomique. Plus tard, les relations sociales sâorganisent autour du partage de valeurs et dâintĂ©rĂȘts communs, et intĂšgrent les rapports de sĂ©duction entre les deux sexes.Â
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4.6 |
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La socialisation |
La socialisation est le processus dâapprentissage des comportements socialement acceptables et des comportements rĂ©prĂ©hensibles ou interdits. Selon certaines thĂ©ories, la socialisation se produirait seulement par imitation ou par un cycle de punitions et de rĂ©compenses. Les thĂ©ories actuelles insistent plutĂŽt sur le rĂŽle de la cognition, notamment la perception, la rĂ©flexion et la connaissance ; pour ĂȘtre rĂ©ellement socialisĂ©, lâindividu doit comprendre implicitement ou explicitement les rĂšgles de comportement social qui fonctionnent dans toutes les situations. La socialisation recouvre aussi la comprĂ©hension des concepts de la morale sociale.Â
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TENDANCES ACTUELLES |
La psychologie du nourrisson est en plein essor depuis les annĂ©es 1980, avec la dĂ©couverte de capacitĂ©s beaucoup plus prĂ©coces quâon ne le pensait. Contrairement Ă ce que supposait Jean Piaget, le dĂ©veloppement cognitif nâest pas uniquement dĂ©pendant de lâaction. En observant son environnement, le bĂ©bĂ© est capable de catĂ©goriser des objets ou de reconnaĂźtre des diffĂ©rences de taille entre deux objets. Il dĂ©veloppe dĂšs la naissance une conscience de soi et des prĂ©mices de communication, analysant trĂšs bien les effets de ses comportements sur son entourage.
Les chercheurs ont également pu Ă©tablir quelques diffĂ©rences gĂ©nĂ©rales entre les sexes (par exemple, on observe classiquement que les filles excellent dans le maniement du langage alors que les garçons sont souvent meilleurs en mathĂ©matiques), mais la part de lâinnĂ© et celle de lâenvironnement dans ces dispositions nâont pas pu ĂȘtre Ă©tablies. Depuis les annĂ©es 1990, les techniques dâimagerie cĂ©rĂ©brale offrent de nouvelles possibilitĂ©s dans lâĂ©tude de lâenfant, en permettant notamment de mieux comprendre les diffĂ©rences entre garçons et filles. Ainsi, le dĂ©veloppement des zones cĂ©rĂ©brales impliquĂ©es dans le langage est plus rapide chez les filles que les garçons. Lâimagerie cĂ©rĂ©brale aide aussi Ă dĂ©terminer comment les stratĂ©gies cognitives sont activĂ©es ou inhibĂ©es Ă diffĂ©rents Ăąges ou au cours dâun apprentissage.
De nombreux travaux actuels sâattachent Ă prĂ©ciser les composantes cognitives tels que la mĂ©moire et la concentration et Ă prĂ©ciser leur rĂŽle dans la rĂ©solution des problĂšmes rencontrĂ©s par les Ă©lĂšves au cours de leurs apprentissages. Ces recherches devraient permettre dâamĂ©liorer les mĂ©thodes dâenseignement des matiĂšres scolaires et lâefficacitĂ© des cours de soutien.